Quel nom bizarre…

Image: niroworld - Fotolia.com

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Aux 19ième et 20ième siècles, des millions de personnes sont arrivées par bateau aux États-Unis pour y vivre le grand rêve américain. Pour la plupart, elles furent accueillies au poste d’inspection du service d’immigration, situé sur Ellis Island, près de la ville de New York.

Américanisation du nom

Plusieurs de ces immigrants avaient des noms étranges aux yeux et surtout aux oreilles des officiers chargés de leur poser 29 questions précises. Une légende urbaine veut d’ailleurs que certains officiers aient modifié le nom de plusieurs immigrants, afin de les rendre plus facilement «prononçables» en anglais.

D’autres candidats ne parlaient nullement anglais. L’histoire nous enseigne qu’un individu d’origine slovaque aurait répondu aux 29 questions de l’officier en hochant tout simplement la tête et en souriant à pleines dents. L’officier indiqua donc «Smiley» comme nom de famille de l’individu sur le formulaire gouvernemental. Ce nouveau nom devint immédiatement celui de l’immigrant silencieusement souriant et de ses descendants.

Changement volontaire

Mais il est vrai que les nouveaux immigrants profitaient de leur venue en Amérique pour changer leur nom. L’américanisation de leur nom leur permettait de trouver plus facilement un emploi. De se fondre dans leur nouvel entourage. De faciliter leur assimilation culturelle. D’éviter la discrimination auxquels font généralement face ceux qui sont différents. D’effacer un passé parfois trouble ou triste. De vivre tout simplement un nouveau départ.

Aujourd’hui, la situation a quelque peu changé et la majorité des nouveaux immigrants conservent leur nom. On n’a qu’à penser à des noms connus, comme (Arnold) Schwarzenegger, (Renee) Zellweger, ou encore (les sœurs) Kardashian.

Mais lorsque le nom peut difficilement être prononcé par l’entourage du nouvel arrivant ou si cela le force à constamment l’épeler, il fait généralement l’objet d’une demande en changement de nom.

Facilité de changement

Aux États-Unis, il est relativement facile de changer de nom.

Les résidents permanents qui veulent devenir citoyens américains peuvent d’ailleurs profiter du processus de naturalisation pour changer leur nom, en cochant tout simplement une case sur le formulaire gouvernemental.

Dans l’État de New York, les gens qui se marient peuvent même adopter un tout nouveau nom, nullement relié à celui de l’un ou l’autre des époux.

Au Delaware, chaque vendredi, les avis publics de changement de nom parsèment le journal local de la ville de Newark. Lors d’une parution en octobre 2012, deux avis se voisinent:

–          Une personne demande que son nom de famille soit changé pour ZERO

–          Une autre demande que le sien devienne MONEY.

Espérons que si ces deux personnes se rencontrent, tombent en amour et convolent en justes noces, elles ne décideront pas de porter leurs noms combinés : ZERO MONEY. Surtout si elles envisagent de présenter une demande d’emprunt à la banque…

Alimentation et discrimination

Peu après leur arrivée aux USA, mes filles Véronique et Geneviève font parvenir leur (très court) curriculum vitae à une pizzeria du coin, pour y travailler à temps partiel. Elles ne reçoivent aucun appel du gérant, qui a pourtant besoin d’aide. Quelques mois plus tard, mes filles sont informées par des amies qu’à cause de leur prénom, le gérant a cru qu’elles ne pouvaient pas s’exprimer en anglais. Il n’avait donc pas cru bon de les appeler.

Quelques années plus tard, Véronique est caissière dans un magasin d’alimentation de la région. Un jour, un individu quelconque se présente à sa caisse et lit le nom de Véronique sur son épinglette. En fronçant les sourcils, il lui dit: «Quel drôle de nom vous avez! Moi, je viens du Sud. Et dans le Sud, ce sont des noires qui portent un tel nom».  Ma blondinette aux yeux bleus ne répond rien à ce commentaire idiot, discriminatoire et révélateur d’un quotient intellectuel négatif.

Quotidien

Depuis plusieurs années, j’ai le bonheur de travailler avec Véronique chez CorpoMax.

Ma fille est fière de son prénom. Même si elle habite aux USA depuis 15 ans, elle ne veut absolument pas américaniser son prénom. Pourtant, ce serait facile : Veronica est un prénom bien connu aux USA, notamment grâce à la bande dessinée Archie. Mais pas le prénom Véronique. Absolument inconnu.

Combien de fois l’entends-je épeler son nom dès qu’elle appelle un de nos fournisseurs, la banque ou la division des corporations de l’un ou l’autre des 50 États américains? Et si elle n’épelle pas son prénom, toutes les variantes vocales de ses interlocuteurs y passent: Vernique, Vornique, Vernick.

Parfois, elle sort de ses gonds : « Ils savent comment prononcer Monique. Pourquoi ne peuvent-ils pas prononcer Véronique? »

Un brillant…

Un soir, Véronique prend tranquillement un verre avec des amies dans un club de la région. Un jeune homme, à la langue déliée par un breuvage alcoolisé, lui demande gentiment son nom. En l’entendant, il répète: « Very unique? »

Enfin un Américain qui comprend: oui, Véronique est vraiment unique…

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