La publicité des avocats

La publicité des avocats

Image: maxkabakov – Fotolia.com

Un jour, je me prélasse en Floride, histoire de créer une totale vacuité dans mon cerveau fatigué de juriste essoufflé. Dans un instant de douce curiosité, je feuillette les pages jaunes de Boca Raton, ville huppée de la région. Plus précisément, mes yeux cernés se posent sur la section « Lawyers ». Je suis curieux: comment mes confrères américains s’y prennent-ils pour révéler à leur voisinage qu’ils existent?

Je suis royalement servi.

Publicité imprimée

À l’époque, les pages jaunes de la ville de Montréal ne contiennent qu’environ 20 pages réservées à une publicité discrète des avocats de la région (à faire d’ailleurs pleurer de rage tous les experts en marketing). Par contre, celles de Boca Raton – ville minuscule par rapport à la métropole québécoise – atteignent le chiffre invraisemblable de 136.

Peu importe votre problème, il existe un avocat spécialisé.

Vous avez glissé sur une marmotte morte de faim? Pas de problème: un avocat spécialisé en chutes causées par des marmottes se fera un plaisir de vous représenter.

Vous en voulez à un policier puisque celui-ci n’utilisait pas de gants en cachemire tibétain lorsqu’il vous a remis une contravention salée? Encore là, c’est facile: un avocat riche d’une expérience considérable en la matière vous attend pour en discuter.

Constantes publicitaires

Trois constantes me frappent.

Tout d’abord, on indique que la première entrevue téléphonique est gratuite. Donc, pour prendre rendez-vous et se faire expliquer le chemin pour aller au cabinet du disciple de Thémis, vous ne recevrez aucune facture.

Ensuite, on vous promet, noir sur jaune, que vous ne payez rien si l’avocat ne perçoit rien. Ça met un potentiel client en confiance. Sauf qu’il faut quand même acquitter les déboursés encourus pour mener votre dossier à terme. Et Dieu sait que les déboursés peuvent parfois atteindre des niveaux importants (frais d’experts, déplacements, sténographie, etc.).

Enfin, la modestie n’étouffe pas les annonceurs juridiques de l’endroit. Statistiques ronflantes sur le pourcentage de procès gagnés, qualificatifs ostentatoires et phrases choc: tout est bon pour impressionner le futur client.

Publicité télévisée

Mieux encore: les annonces TV. Elles adorent apparaître lors d’émissions hautement culturelles, mettant généralement aux prises de jeunes participants aux problèmes invraisemblables et d’habiles animateurs croyant détenir un doctorat en psychologie.

Dans une annonce-type surgit un homme (presque jamais une femme) qui vous transperce d’un regard d’hyène assoiffée. D’un seul cri, il vous le garantit: vous avez des droits! Ça rassure, même lorsqu’on n’a aucun problème.

Puis, il vous informe qu’il peut aller chercher les sommes qui vous sont dues. En entendant cela, on cherche instinctivement un débiteur.

Enfin, il vous répète au moins 15 fois en 30 secondes son numéro de téléphone. Numéro évidemment choisi avec grand soin afin d’être facilement retenu par une clientèle à la mémoire volatile, du style « 555-444-4444  » ou encore « 1-800-GO-IN-COURT ».

Justice et religion

Pour les Américains, la réalité quotidienne de leurs rapports sociaux semble basée sur les préceptes suivants:

– la justice est leur religion

– les lois sont leur bible

– les procédures sont leurs prières

– le palais de justice est leur temple du culte

– le juge est leur pasteur

– le jury est leur chorale

– le procès est leur célébration du culte

– le jugement est la bénédiction recherchée

– le recours en appel est la confirmation demandée à la Trinité…

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